Prochains concerts
Roland de Lassus - Lagrime di San Pietro
Samedi 18 novembre 2023, 18h00
Dimanche 19 novembre 2023, 18h00
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Temple Allemand, La Chaux-de-Fonds
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En collaboration avec le Centre de culture ABC
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Ensemble La Sestina:
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Florence Grasset, Camille Joutard, sopranos
Francesca Puddu, mezzo-soprano
Lionel Desmeules, Benjamin Ingrao, ténors
Frederik Sjollema, baryton
Jedediah Allen, basse
Adriano Giardina, direction

Roland de Lassus - Lagrime di San Pietro
L’oeuvre musicale
Au même titre que La Cène de Léonard de Vinci ou le Retable d’Issenheim de Matthias Grünewald, les Lagrime di San Pietro de Roland de Lassus constituent un chef-d’œuvre de l’art sacré de la Renaissance. Ce cycle composé de vingt madrigaux spirituels sur un poème de Luigi Tansillo et d’un motet conclusif est une des œuvres les plus jouées et enregistrées du répertoire, mais peu souvent entendue en Suisse.
C’est un Roland de Lassus soixantenaire et pressentant sa disparition prochaine qui écrit les Lagrime di San Pietro. La pièce est en quelque sorte pour lui l’occasion d’un examen de conscience et un acte de pénitence. La partition est publiée de façon posthume à Munich en 1595, mais la dédicace adressée au pape Clément VIII, est datée de mai 1594, un mois avant le décès du compositeur. Bien qu’installé à Munich au service des ducs de Bavière depuis les années 1550, Lassus s’est bâti une réputation européenne à nulle autre pareille et il est l’auteur d’une des œuvres les plus prolifiques de son temps.
La thématique du recueil est bien entendu celle du reniement de Saint Pierre. Tansillo construit autour de l’épisode biblique une méditation dans laquelle le regard joue un rôle central : Pierre voit dans les yeux du Christ le reflet de sa propre culpabilité. Lassus ne met en musique que les vingt premières strophes du long poème, s’arrêtant sur un constat de désespoir. Le texte de Tansillo recourt à des éléments, typiquement profanes, du discours amoureux, qu’il transpose vers le sacré dans le but de susciter de fortes émotions chez le lecteur.
Lassus amplifie, via des moyens musicaux rhétoriques, les affects du texte. Il cherche à les « mettre devant les yeux », pour reprendre la formule d’un commentateur du XVIe siècle. Ainsi, par exemple, les larmes de Pierre sont rendues par une insistance sur un demi-ton plaintif à la fin de Come falda di neve (n°10 de la partition). Il faut également mentionner l’importance symbolique du chiffre sept, lié à la souffrance dans la tradition chrétienne, au sein du cycle. Les pièces sont à sept voix et leur nombre total est de vingt-et-un, à savoir trois fois sept !
Pour ce projet, La Sestina sera composée de sept chanteuses et chanteurs, qui se produiront a cappella, et d’un chef.
Cette musique a d’abord été composée pour être interprétée dans un contexte de dévotion privée. Elle n’a donc pas été pensée pour être donnée en concert. Par ailleurs, nos préoccupations culturelles contemporaines ont peut-être « mis à distance » ce type d’artefact, sans compter l’éloignement temporel réel. Il n’est donc pas forcément aisé pour le public d’entrer dans cette musique. C’est la raison pour laquelle nous avons fait appel à Isabelle Vallon pour la mettre en espace.
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Adriano Giardina
Mise en espace
Il existe beaucoup d’enregistrements de qualité des Lagrime di San Pietro. Nous pouvons partir du principe donc que l’écoute de ces vingt et un madrigaux se suffit à elle-même, alors pourquoi en proposer une version mise en espace ?
Lorsqu’Adriano Giardina – le chef de la Sestina – m’a demandé de plancher sur cette question, j’ai plongé dans cet univers pour trouver comment le mettre en valeur. Les Lagrime di San Pietro de Roland de Lassus sont une combinaison de deux grands éléments : le texte, du poète Luigi Tansillo qui présente le récit biblique du Reniement de Saint Pierre à la lumière d’une poésie de l’affect appelant à l’introspection et la musique de Lassus qui est au pinacle de l’écriture de la Renaissance.
Pour pouvoir pleinement entrer dans cette œuvre, il faut la comprendre : d’une part, un texte fort porté par une riche poésie et de l’autre, une structure musicale portée à son paroxysme et qui appartient à une période de la musique occidentale extrêmement importante.
La mise en espace que j’ai imaginée permet justement au public de pénétrer et de comprendre de l’intérieur de ce récit musical grâce à deux aspects principaux : les personnes qui viendront (re)découvrir cette musique ne seront pas simplement assises face à l’ensemble vocal La Sestina. Elles vivront le récit de l’intérieur puisqu’elles seront disposées parmi les chanteuses et chanteurs, comme le permet le grand plateau du Temple Allemand de la Chaux-de-Fonds.
De plus, les interprètes souligneront également la structure de l’œuvre, qui s’organise autour du chiffre sept. En effet, les vingt et un madrigaux sont construits à travers trois thématiques : le regard du Christ sur Saint-Pierre, les larmes du disciple coupable et une réflexion autour de l’attachement à la vie terrestre qui mène au péché. Grâce aux déplacements dans l’espace, la disposition autour du public et un subtil jeu de lumières, j’espère pouvoir ainsi aider le public à saisir l’œuvre de Roland de Lassus dans sa recherche d’introspection et d’élévation.
Isabelle Vallon